La Lune est-elle plus « grosse » à l’horizon ?
Assez souvent, on entend dire que, tel soir (ou tel matin), la Lune était très grosse à l’horizon. En effet, qui n’a pas eu cette impression?
Pourtant, que l’on ne s’y trompe pas. La suite de ce texte montre qu’il en va tout autrement.
D’abord, revenons à l’article de Joël Guignard, paru dans ATCO n° 46, 2e trimestre 1995. Dans sa rubrique « L’Astronomie, tout simplement… », Joël nous avait parlé de cette « déconcertante Lune » qui se présente énorme à l’horizon pour diminuer en diamètre au fur et à mesure qu’elle monte dans le ciel. En peu de mots, il nous avait expliqué qu’en fait, nous sommes victimes d’une illusion d’optique. D’ailleurs, dans diverses publications, il est justement fait état de cette illusion.
Pourtant, l’explication ne convainc pas tout le monde et il reste que cette impression demeure évidente aux yeux du profane.
Aussi, dans ATCO n° 58, un appel avait été lancé pour mettre en évidence cette illusion. On avait, à l’époque, demandé de faire une photo de la Pleine Lune au lever puis quelques heures plus tard, lorsqu’elle est plus haut dans le ciel. Pierre Jacquet et Maurice Audejean ont réalisé des photographies à l’observatoire de Chinon, le 7 août 1998. Une série de clichés fut obtenue et deux images furent extraites. Le premier montre la Lune peu après son lever, le second montre également notre satellite environ 4 heures plus tard.
Évidemment, les prises de vue ont été faites avec le respect de la configuration optique, c’est-à-dire, au foyer du télescope, réglages bloqués de la première à la dernière pose.
Clichés Pierre Jacquet, Maurice Audejean, Observatoire Astronomie en Chinonais.
Que constate-t’on?
La mesure des clichés donne les valeurs suivantes (sur clichés originaux) :
– 1ère image (celle au lever) : disque lunaire légèrement ovale, grand axe de 84,5 mm, petit axe de 81 mm.
– 2e image (Lune à près de 26° de hauteur): disque lunaire circulaire, diamètre de 84,5 mm. En mesurant, on a l’impression que ce diamètre est un tout petit plus « fort » que le grand axe de l’image précédente.
Que peut-on déduire, a priori?
L’image de la Lune, incontestablement, n’est pas plus grosse à l’horizon qu’en hauteur.
L’image de la Lune, lorsqu’elle est à l’horizon, est aplatie. Ceci est dû tout simplement à la réfraction atmosphérique. Sachons que cette réfraction « relève » les astres à l’horizon de plus d’un demi degré.
Cette impression de grosseur plus importante de la Lune n’est, comme l’avait écrit Joël Guignard dans le n° 46 d’ATCO, qu’une illusion d’optique.
Cette illusion vient du fait que nous sommes habitués à regarder droit devant nous, vers l’horizon, et cela nous « fatigue » moins que de regarder en l’air : nous n’avons pas l’habitude de regarder au-dessus de nos têtes. Regarder à l’horizon nous fait utiliser des repères, nous les employons involontairement pour apprécier toutes distances. Le ciel, à l’horizon, nous semble plus éloigné que le ciel à la perpendiculaire au-dessus de nos têtes.
Si nous observons un ciel étoilé, nous projetons, sans nous en rendre compte, les astres sur cette voûte aplatie par notre imagination. Ce qui conduit à une illusion.
De cette impression que la voûte céleste n’est pas aplatie provient aussi la constance avec laquelle nous nous trompons lorsque nous voulons estimer la hauteur angulaire d’un astre au-dessus de l’horizon. Demandez à quelqu’un de lever le bras à 45°, il y a fort à parier qu’il ne lèvera jamais le bras assez haut. En moyenne, un bras que l’on croit levé à 45°ne l’est qu’entre 20 et 30°.
Comme quoi, les illusions sont tenaces.
Mais allons plus loin. L’impression commune de voir la Lune plus grosse à l’horizon est, de plus, contredite par une réalité géométrique.
En effet, la Lune, à l’horizon, est théoriquement plus petite qu’elle ne l’est lorsqu’elle est haute, par exemple en passant au méridien du lieu d’observation. Toutefois cette variation n’est sans doute pas appréciable à l’oeil nu.
Ceci mérite quelques explications.
Un dessin en dira plus qu’un long discours.
On voit sur le croquis ci-contre que la distance Lune observateur varie du lever de la Lune jusqu’au moment où elle culmine dans le ciel. Cette variation peut aller jusqu’à une valeur égale à un rayon terrestre lorsque la Lune est exactement au zénith. Dans nos contrées, la Lune n’occupe jamais le zénith mais la variation de distance est néanmoins sensible. Dans le meilleur des cas, c’est-à-dire lorsque la Lune est à son périgée et lorsqu’elle passe de l’horizon au zénith (cas impossible en France), le diamètre apparent de la Lune passe de 1976,24 » à 2011,60 « , soit un écart de 35,36 », (il s’agit de secondes d’arc) Sous nos latitudes, l’écart peut atteindre un peu plus de 27″. Cet écart montre une augmentation du diamètre lunaire lorsque la Lune est au zénith ou dans le plan du méridien local, chose tout à fait contraire aux affirmations courantes. Notons que cet écart n’est pas perceptible à l’oeil nu. |
Source « L’astronomie à bâtons rompus » O. G. Gail.
Nota sur les termes « périgée » et « apogée » : on sait que la Lune gravite autour de la Terre suivant une orbite elliptique, ceci a pour conséquence que la distance Terre-Lune varie entre deux valeurs. La distance la plus courte entre la Terre et la Lune est appelée « périgée », elle est de 356410 km. Quant à la distance la plus grande, appelée « apogée », elle est de 406740 km.
Nota sur le zénith : le zénith est le point situé au plus haut sur la voûte céleste, c’est-à-dire exactement au-dessus de la tête de I ‘observateur. Trop souvent, le zénith est confondu avec le point occupé par un astre lors de passage au méridien.
Exemple de confusion : on dit que le Soleil passe au zénith (en France). Or cela est impossible sous nos latitudes. En revanche, le Soleil culmine dans le ciel lors de son passage au méridien, c’est d’ailleurs à ce moment qu’est le midi vrai.