Introduction à la notion de magnitude
Il est parfois des appréciations qui semblent évidentes. Qui n’a pas entendu dire que Vénus est une « grosse étoile » ou qu’Arcturus (par exemple) est une étoile qui doit être proche de nous? (ce qui, dans la seconde affirmation, est d’ailleurs vrai mais le quidam qui aura affirmé cela, l’aura dit parce que l’étoile lui paraît proche).
En somme, grandeur (ou grosseur), éclat, brillance, distance… sont des mots que l’on doit utiliser avec certaines précautions.
Un simple examen du ciel permet de constater que les étoiles brillent avec des éclats différents : autrement dit, elles brillent plus ou moins fort. Aussi, les anciens avaient catalogué les étoiles en fonction de leur grandeur. Cette grandeur caractérise l’impression lumineuse et non la grandeur géométrique. Ainsi, Ptolémée avait, en 137 après JC, catalogué environ 1200 étoiles et les avait classées en fonction de leur grandeur (On pense que Ptolémée n’a fait que reprendre le catalogue établi par Hipparque, trois siècles plus tôt).
L’ordre de ces grandeurs était établi suivant les termes d’une progression arithmétique, numérotés de 1 à 6, soit 5 intervalles. Cette progression semblait traduire un rapport d’éclats de 100 environ entre les étoiles de 1ère grandeur et celles de 6e grandeur : une étoile de 1ère grandeur brille à peu près 100 fois plus qu’une étoile de 6e grandeur.
Si on dit que k exprime le rapport d’éclat entre deux étoiles de grandeurs voisines (par exemple 1ère et 6e grandeur), alors on peut écrire
k5 = 100
Donc k = environ 2,512, C’est la racine cinquième de 100 et on pourra vérifier que :
2,512 x 2,512 x 2,512 x 2,512 x 2,512 = environ 100
Arrêtons, pour le moment, cette approche relative à la brillance des étoiles et allons au siècle dernier, plus précisément, en Allemagne.
À cette époque, vivait Fechner (1801 – 1887), homme à l’esprit extrêmement curieux. Ses recherches sont allées dans divers domaines de la science et ses préoccupations étaient soutenues tant sur le plan philosophique que religieux. Fils de paseur, Fechner fit des étdes de médecine et commença des recherches de physiologie. La physique et, en particulier, l’électricité le révélèrent, ce qui lui valut une chaire de physique à l’âge de trente deux ans. Vers 1840, il abandonna la physique et subit véritablement une crise morale et intellectuelle. Il tenta alors de fonder une conception particulière de l’univers, liant l’esprit et la matière. Conservant un esprit scientifique, il tenta de trouver une relation entre l’esprit et la matière et le résultat fut la découverte d’une loi générale établissant une relation entre excitants et sensations. Depuis, cette loi que certains appelleront « pseudo-loi », porte son nom et s’établit comme suit : « la sensation croît à peu près comme le logarithme de l’excitation ».
Mathématiquement, on peut écrire :
S = k log I, avec S, la sensation et I, l’intensité.
Nous voilà donc revenus à notre problème d’appréciation des brillances.
En effet, l’ordre des grandeurs s’établit suivant une progression arithmétique. Quant à celui des brillances, la progression est géométrique. Sans chercher à être hautement mathématique dans cet exposé, nous dirons que la relation qui lie ces deux progressions est logarithmique. Voila un mot peut-être « barbare » pour certains.
Nous avons vu, plus haut, que :
k5 = 100. Alors log k = 0,4, donc 1/log k = 2,5, et enfin k = 2,512.
Gardons à l’esprit que la valeur 2,512 est arrondie à la troisième décimale, sinon nous devons poser k = 2,51188643151. Ceci entrainera, dans la suite de cet article, quelques imprécisions.
Plutôt que de conserver le mot « grandeur », on a pris le terme de « magnitude apparente ».
Si on adopte e1 et e2, les éclats de deux étoiles et m1 et m2, leurs magnitudes apparentes, on aura alors :
e1/e2 = k m2 – m1,
1/log k (log e1 – log e2) = m2 – m1,
cette formule est appelée « formule de Pogson ». Ce qui donne :
m2 – m1 = 2,5 (log e1-log e2)
(et non 2,512 (log e1 – log e2) comme cela a été écrit dans certaines publications).
Allons directement vers un exemple pratique :
Prenons une étoile de magnitude 1 et une autre de magnitude 2, donc m1 = 1 et m2 = 2. La première, selon ce que l’on a vu plus haut, brille 2,512 fois plus que la seconde, on peut alors poser
e1 = 2,512 et e2 = 1
Posons la formule de Pogson :
m1 – m2 = 2,5 (log e2 – log e1)
et appliquons les valeurs relatives à nos deux étoiles,
1 – 2 = 2,5 (log 1 – log 2,512)
nous savons, et il suffirait d’utiliser une calculatrice ou de lire sur une table de log, que
log 1 = 0 et log 2,512 = 0,4
donc -1 = 2,5 (0 – (-0,4), ce qui vérifie bien l’égalité posée.
Communément, la formule de Pogson s’écrit un peu différemment,
m1– m2 = – 2,5 (log e1 – log e2)
Cette formule est mise ici, sous forme différentielle. Ce qui vient d’être exposé explique simplement la raison de la progression des magnitudes en regard des éclats. En revanche, ceci n’explique pas à quel éclat correspond la magnitude zéro. Notons toutefois que la magnitude 0 correspond à peu près à celle de Véga, au moment où elle culmine vers le zénith par ciel pur. Comme il y a des astres plus brillants que Véga (Soleil, Lune, Vénus, Sirius, etc) les magnitudes peuvent avoir des valeurs négatives, ce qui ne perturbe en rien les rapports d’éclats. Autre exemple pratique : prenons deux étoiles de magnitude 1 et 21, le rapport des deux éclats est alors,
log (e1/e2) = 0,4 x 20 = 8
Le tableau, ci-dessous, donne les rapports d’éclats.
Donc, ce que nous venons d’aborder traite de la notion de magnitude apparente relativement aux éclats.
Mais, comme nous l’avons vu au début de cet article, la notion de distance a également son importance. En effet, si on considère (par exemple) deux phares identiques de voiture, que l’on en dispose un à 10 mètres et l’autre à 10000 m, nou serons évidemment éblouis par celui placé à 10 m et pourtant, ces deux phares sont identiques! En astronomie, le problème est analogue. Prenons le cas de deux étoiles proches de nous le Soleil et alpha du Centaure. Leurs éclats apparents sont très différents car le Soleil a une magnitude apparente d’environ -26,9 et alpha du Centaure a une magnitude apparente d’environ 0. Pourtant, ces deux étoiles ont des éclats intrinsèques à peu près équivalents. Donc il faut bien comparer ce qui est comparable et on comprend immédiatement que pour procéder ainsi, il faut imaginer nos deux étoiles à la même distance. C’est ce que les astronomes font : ils imaginent les étoiles ramenées à une distance choisie. Cette distance correspond à 10 parsees, soit 32,6 AL. Le parsec (contraction de parallaxe par seconde) correspond à l’éloignement qu’il nous faudrait pour voir la distance Terre-Soleil sous un angle de 1″. Avant de poursuivre, retenons que l’éclat d’un objet varie en raison inverse du carré de sa distance. En effet, une lampe placée à 10 m brillera 4 fois plus que la même placée à 20 m et 9 fois plus qu’une autre, identique, placée à 30 m. Posons à nouveau, la formule de Pogson : (ce qui suit est exposé presque pas à pas, afin de permettre aux personnes peu farniliarisées avec les logarithmes de suivre sans trop de difficulté).
m2 – m1 = -2,5 log (e2/e1)
appelons M, la magnitude de l’étoile placée à 10 parsecs et m, celle de l’étoile placée à sa vraie distance D.
Comme nous avons vu que l’éclat varie en raison inverse du carré de la distance, nous remplaçons e1 et e2 par les distances élevées au carré, et comme il s’agit d’inverse, nous écrivons :
|
M – m |
|
ce qui nous autorise à poser M – m |
or log 10 = 1, donc M – m |
ce qui donne M – m |
que l’on peut écrire plus élégamment M – m |
= |
= |
= |
= = |
-2,5 log (D2/l00) |
or, log (D2/l00) = log D2 – log 100 et log D2 = 2 log D ainsi que log 100 = 2 log 10 |
-2,5 x (2 log D – 2 log 10) |
-2,5 x (2 log D – 2) |
-5 log D + 5 |
5 -5 log D |
Nous venons de voir comment peuvent être exprimées les magnitudes apparentes et les magnitudes absolues.
Résumons ci-dessous :
Magnitudes apparentes : | m2 – m1 = -2,5 log(e2/e1) |
Magnitudes absolues : | M – m = 5 – 5 log D, avec D exprimée en parsecs. |
Exercices pratiques :
Posons m2 – m1 |
e1/e2 |
= |
= |
= |
= |
= |
6,44 – 1,63 |
4,81 |
10(m2-m1)/2,5 |
10(1,924) |
83,9459986519 |
L’étoile de magnitude 1,63 brille environ 84 fois plus que l’étoile de magnitude 6,44.
2) Une étoile a une magnitude m1 = 2,55, une autre que l’on appellera m2 brille 14,5 fois moins. Quelle est la magnitude de l’étoile m2 ?
Posons e1/e2 |
et m1 – m2 |
donc m2 |
log (14,5 ) |
donc m2 |
m2 |
m2 |
= |
= |
= |
= |
= |
= |
= |
14,5 |
-2,5 log (e1/e2) |
m1 + 2,5 (log 14,5) |
1,1613680022 |
2,55 + 2,5 x 1,16 |
2,55 + 2,9 |
5,45 |
L’étoile m2 a une magnitude de 5,45.
3) Quelle est la magnitude absolue du Soleil, sachant que sa magnitude apparente est -26,9 ?
Posons M – m |
donc M |
= |
= |
5 – 5 log D |
m + 5 – 5 log D |
Il nous faut connaître D, la distance qui nous sépare du Soleil, exprimée en parsec.
Nous savons que le parsec est égal à 3,26 AL ou 3,26 x 9,461 x 1012 km.
Quant à la distance Terre Soleil, nous savons qu’elle est d’environ 150 millions de km soit 150 x 106 km.
Donc la distance Terre Soleil, exprimée en parsec est (150 x 106)/(3,26 x 9,46 x 1012),
soit 15 x 107/30,8396 x 1012, ou, en arrondissant un peu, (15/30,84) x 10-5.
La distance en parsec (Terre/Soleil) est D = 0,486 x 10-5
maintenant nous pouvons calculer M = -26,9+5 -5 log (0,486 x 10-5),
or, log (0,486 x 10-5) = -7,313,
donc, la magnitude absolue du Soleil est M = -26,9 + 5 – 5(-7,313) = 4,66.
La magnitude absolue du Soleil est d’environ 4,7.
– POGSON Norman Robert :
Astronome américain (1809 – 1891) qui proposa en 1856 une échelle quantitative des magnitudes.
La formule de Pogson qui établit la liaison entre une magnitude et un éclat est :
m = -2,5 log e + k
Avec k comme constante qui fixe le zéro de l’échelle. La forme différentielle donnée plus haut peut être obtenue de la façon suivante :
étoile 1 : m1 = -2,5 log e1 + k
étoile 2 : m2 = -2,5 log e2 + k
posons la différence m1 – m2 soit – 2,5 (log e1 – log e2 )+ k – k, ainsi on se débarrasse de k et on peut donc écrire :
m1 – m2 = – 2,5 log (e1/e2)
La magnitude -2 brille 6,310 x plus que la magnitude 0
La magnitude -1 brille 2,512 x plus que la magnitude 0
Magnitude 0, éclat = 1
La magnitude 1 brille 2,512 x moins que la magnitude 0
La magnitude 2 brille 6,310 x moins que la magnitude 0
La magnitude 3 brille 15,84 x moins que la magnitude 0
La magnitude 4 brille 39,81 x moins que la magnitude 0
La magnitude 5 brille 100 x moins que la magnitude 0
La magnitude 6 brille 251,2 x moins que la magnitude 0
La magnitude 7 brille 631 x moins que la magnitude 0
et ainsi de suite.